« L’Arbre du Milieu du Monde », philosophie des expériences foreztières (août 2015)

 

 

le ciel de Chavaniac

Le Festival de Création contemporaine Les ARTS   FOREZTIERS, fondé par l’Institut Charles Cros à Chavaniac-Lafayette (Haute-Loire) en 2010, se situe dans le Parc Naturel Régional du Livradois-Forez, sur le village de naissance du « héros des deux mondes », Gilbert de Lafayette, dont la devise est, depuis la Révolution américaine,  CUR NON ? (« Pourquoi pas ? »). Ce « pourquoi pas » nous semble bénéfique aux expériences créatives, menées sur des territoires ruraux et forestiers composites, qui accueillent désormais une population mêlée.

Ce festival non commercial, à la croisées des mondes (humain, végétal, animal),  accueille et confronte des  expressions artistiques originales, individuelles ou collectives, attentives à la forêt (et/ou du Forez), dans la diversité des formes contemporaines (arts plastiques, photographie, musique, danse, vidéos..). Ce festival conçu en Biennale, traduit la dynamique de recherche interdisciplinaire «Éthiques de la Création »  et continue la démarche « Créativités & Territoires » portée par l’Institut Charles Cros et ses partenaires. Ce Festival a su rassembler depuis 2010 une communauté d’artistes passionnés, des partenaires diversifiés et une population locale, curieuse et amusée, qui l’a intégré dans le paysage culturel. Le maire de la commune de Chavaniac a parlé significativement lors du vernissage de la manifestation, de « notre Festival ».

Le Festival lancé en 2010, s’est développé en 2015 de multiples façons :

 en renforçant la présence des artistes : douze en 2010, 25 en 2013, 32 en 2015. La proportion est de 80 % des artistes effectivement présents, le reste ayant envoyé leurs œuvres. En effet, ce Festival est devenu au fil des éditions un véritable rendez-vous de créateurs locaux (les communes de Pébrac, Siaugues Saint-Romain, Connangles, Pinols, Chanteuges, Langeac étaient bien représentés), régionaux (jusqu’à Clermont), franciliens et internationaux (depuis l’édition de 2013). C’est l’élaboration de cette communauté vivante et diversifiée dans les styles qui signe le premier succès du Festival qui se perpétue avec de très faibles moyens financiers, mais une coopération élargie. Les créateurs présents allient des tranches d’âge de vingt à soixante/soixante-dix ans avec une forte proportion de femmes artistes (Susan Lee, Élisabeth Dallet, Sylvie Dallet, Weixuan Li, Yin Meng, Vero Bene, Anne-Marie Wauquiez, Rosine Astorgue, Alexandra Lesage, Élisabeth Launay-Dolet, Hélène Hibou, Yolaine Belmont Roux, Geneviève Rome, Suzy Tchang, Anda Martin).

la confrontation internationale apparaît comme une expérience excellente : deux artistes chinoises sont venues en résidence au Festival (Susan Lee et Weixuan Li, logées chez l’habitant ou à l’hôtel), de même qu’une Galeriste franco chinoise venue de Paris (Galerie Double S, 15 rue Guénégaud, 75006 Paris) avec les œuvres de trois artistes (française, allemande et sino-mandchou). L’édition du Festival 2015 avait en effet été couplée avec un Concours de création européen lancé par la Galerie Double S en juin 2015, sur le thème de la Nature. L’artiste Susan Lee venue de Taiwan avec les œuvres de Jingyi Zhue, a même accepté de financer sur fonds personnels son billet d’avion.

Un Festival cela se vit et se prépare, d’autant plus que l’enjeu est fort : susciter un foyer de création au « centre du Monde », c’est à dire à Chavaniac-Lafayette (et le Forez) un événement exceptionnel à expressions multiples (danse, création sonore, installations, films, vidéos, chant, peintures, tableau collectif) et internationale. Pour exemple, les films argentiques des collections privées prêtées au Festival, ont été acheminés du Musée cinématographique de Nevers grâce aux bénévoles de Cinépassion et de l‘Atelier du 7ème art. Une atmosphère  collective, à la fois studieuse et physique, qui a même mobilisé autour de l’œuvre de l’artiste Marie Lafont les étudiants des Beaux-Arts de Clermont.

Renforcement du travail en commun. Les artistes sont venus en résidence, qui dans les maisons amies, qui à l’hôtel ou dans des gîtes collectifs, plusieurs jours à l’avance pour préparer la manifestation dans son ampleur et sa complémentarité de styles. Trente personnes aidées par les cantonniers de la Communauté de Communes, les bénévoles de l’Institut Charles Cros, des amis et la famille ont érigé des installations, vérifié les câbles, repeint les garages, cousu la toile du tableau collectif, imaginé des suspensions solides, organisé la buvette et la vente de sandwichs pour les passants (il n’y avait pas d’autre point-repas sur le village, autre que celui que nous avons improvisé pour la restauration collective, grâce au soutien du CAT de Langeac). Nous avons même planté un arbre, déplacé des tuiles, fait connaitre  la créativité patrimoniale d’Ambert  (Moulin Richard de bas) et de Brioude  (Hôtel de la Dentelle) aux artistes venus de loin, collecté des coquilles d’œufs, peint dans la Nature, transporté de lourdes charges, déraciné du lierre, prié pour le temps reste au beau, fait du feu, partagé à trente-cinq des repas conçus pour vingt-cinq couverts, chanté  et discuté en travaillant, balayé la cour, reçu les curieux, fait des photographies et bientôt des films… Une commune historique s’est métamorphosée durant quelques jours en une Ruche de talents et plus encore, une véritable communauté créative.

cette initiative a été partagée avec la population : les communes territoriales qui ont participé en nature (cantonniers, vernissage, communication etc.). La population a assisté aux travaux d’édification des œuvres jusqu’à, parfois, en apporter les siennes (« l’arbre de la Genèse » de Lawra), plantées au milieu des créations originales. Les artistes ont organisé une après-midi de peinture collective (dimanche 30 août) sur une toile de draps cousus par les bénévoles. Les trois périodes dansées de Chantal Colombet ont débouché sur une séance de danse sportive collective (public et artistes) sur les courts de tennis. Les équipes des Grenouilles Liseuses (Langeac) ont entrainé les passants sous les frondaisons du CBNMC tandis que le trio des plasticiens vidéastes Bedrossian/Belmont-Roux/Hibou investissaient la façade du Conservatoire botanique de nuit. Le parcours des œuvres s’est effectué en extérieur du Conservatoire au square du Château en passant par la Ferme Saint-Éloi. Il a également investi les tennis, le terrain de boules et trois espaces fermés : l’Annexe Lafayette (Films), les Garages du Prévent (Tableaux, photos, bois sculptés & miroirs- et installation de Buvette) et la Salle des Fêtes (Tableaux et sculptures).

– construction de liens pérennes entre les projets artistiques et scientifiques : l’enjeu social et intellectuel a été ressenti et mis en scène entre les scientifiques, les artistes et la population. Ce lien s’est tissé à partir de l’adhésion des deux Conservatoires au projet global des Arts Foreztiers : outre la participation du Conservatoire botanique du Massif Central par la mise à disposition d’espaces scientifiques (Annexe Lafayette et salle de conférences) et la présence constante de son directeur durant la manifestation, le Conservatoire des espaces naturels d’Auvergne a spécifiquement associé la Nuit européenne de la Chauve-souris aux Arts Foreztiers. Les poètes étaient présents : outre le cercle des Grenouilles liseuses nous avons accueilli des représentants du Cercle Amélie Murat (Clermont).

Par ailleurs, l’organisation d’une Journée professionnelle de type « Créativités & Territoires » avec les partenariats du Conservatoire botanique du Massif central (direction Vincent Létoublon, hôte de l’événement), le Centre Régional de la Propriété Forestière (référent Maxime Estrade) et la Communauté de Communes de Paulhaguet (directrice Sophie Bouchet) a donné une belle impulsion à l’interdiscipline « arts et sciences » permettant à des personnes aux fonctions différentes de se rencontrer et dialoguer ensemble, hors hiérarchies institutionnelles. Cette Journée « Éthique et gestion forestière internationale » a réuni une cinquantaine de participants sur la Journée. La diversité des interventions et l’organisation conviviale a été plébiscitée des acteurs locaux (cf. article de la Maison du Bois) et très bien relayée par le Syndicat des propriétaires Forestiers de Haute Loire. Nous avions continué la programmation des films argentiques, lors de la Journée du 31 et cette programmation complémentaire a été très appréciée.

En ce qui concerne la fréquentation du Festival on peut faire trois remarques. La nouveauté de la communication 2015 repose sur la création d’un site Internet dédié à la manifestation  depuis février 2015 : Le site www.lesartsforeztiers.eu qui a exprimé sur six rubriques documentées, à la fois la philosophie du Festival, son programme (relayé par une Newsletter coordonnée par Véro Bene Viva design) et 46 articles artistiques, symboliques et de pensée, relatifs au thème L’Arbre du Milieu du Monde. Suite à la manifestation, les artistes ont souhaité qualifier et diffuser leur travail, en éditant un Catalogue (présentation des artistes, œuvres, textes), sur lequel nous travaillons pour une édition fin 2015.

Durant l’été, les sites internet et la presse ont bien relayé l’événement y compris jusqu’à Lyon (cf. article Progrès de Lyon). Il y a sans doute des efforts à faire en direction des centres institutionnels (flyers et affiches insuffisants en nombre, faute d’argent). Nous avons eu des visiteurs de Saint Étienne, Clermont et certaines œuvres ont été vendues directement par les artistes (Le Festival ne prend pas de commission sur les œuvres). Nous avons reçu la visite de deux galeristes parisiennes, attentives à l’esprit et curieuses de la qualité de la manifestation. Cependant, en mesure de publics, nous avons été surpris par la proche rentrée des classes du 1 septembre et de la raréfaction des familles qui normalement auraient du être plus nombreuses. Nous avons remarqué l’arrivée de nouveaux publics tels que ceux des créatifs du pays de Lafayette, du Puy, de la Chaise-Dieu et de Blesle, mais une partie des politiques a été retenue pour l’arrivée du vaisseau l’Hermione à la Rochelle à la même date. Nous avons eu enfin la venue des groupes d’handicapés psychiques et mentaux et de leurs éducateurs de Langeac, amorce d’une coopération qui devrait se continuer dans les années à venir.

Pour ces raisons et l’originalité des liens que ce Festival suscite, les partenaires ont demandé que le Festival soit continué en 2016 sur année paire, afin de bien préparer l’année 2018, date à laquelle la nouvelle Région AU-RA sera stabilisée. Cette demande a été assortie d’une demande de situer le Festival fin juin ou début juillet 2016, afin de pouvoir dialoguer avec des partenaires nouveaux et une population encore plus diversifiée. Les thèmes retenus en 2016 sont :

L’Arbre du Milieu du Monde et Botaniques célestes.L'arbre du milieu du Monde

L’atelier de la création  altiligérien est rouvert…

Sylvie Dallet octobre 2015

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